Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 mars 2024 2 26 /03 /mars /2024 07:03

Pour finir le cycle d’envoi de poèmes commencé le 9 mars dernier, voici un poème de Jean-Pierre Siméon. Pendant 16 ans, jusqu'en 2018, celui-ci a été directeur  du Printemps des poètes, organisateur de la manifestation poétique nationale et annuelle à laquelle nous participons.

 

Grâces ultimes

 

Nous ne saurons jamais ce que voulaient de nous

La terre ni ce bleu infini qui la retient

Comme un visage le miroir

De qui l’aventure humaine sera-t-elle le souvenir ?

De quoi la trace déchirée ?

Oh je sais la question aussi vaine

Qu’un clou planté dans l’eau

Mieux vaut parler peut-être

Du repas de demain ou

Du vieillissement du jour à la terrasse puis

Lacer ses chaussures et descendre au jardin

Et pourtant

L’homme n’existe

Que de tenir tout entier dans la question

Nous ne saurons jamais pourquoi

Toucher des lèvres de ses lèvres

Ou un cœur du regard

Est de siècle en siècle

La seule vérité qui tienne

Comme toujours revient comme une grâce

La fleur mille fois piétinée

Je crois à la renoncule du baiser

Qui pousse sur tous les morts amassés

Sur toutes les ruines humaines

Je crois que l’homme a un avenir

S’il avance en toutes choses désormais

Comme en s’excusant

homme avec un h minuscule

Qui tiendrait le ruisseau l’orange la renoncule

Pour des grâces ultimes

 

Jean-Pierre Siméon (né en 1950) – poème inédit

Partager cet article
Repost0
25 mars 2024 1 25 /03 /mars /2024 06:15

Dieu

 

Je te croyais le vent qui rive l’arbre au sol

La brise qui lisse les monts aigus

La feuille d’orme qui panse l’oiseau blessé

Ainsi que l’ortie qui le crucifie

Je te disais Paix

Je te disais Tourment

Mais tu n’es que silence qu’absence

Tu es indifférent

Et l’oiseau d’écouler goutte à goutte son sang

Tu l’ignores, tu regardes ailleurs

Est-ce pour rafraîchir la terre ?

Ou pour la colorer ?

Mais que fais-tu des coquelicots, des océans et des saisons ?

Non, ils ne te suffisent pas

Il te faut un rien de rouge, une poignée de sang

Pour rendre plus sonore la terre et plus ivres les vents.

 

Vénus Khoury-Ghata (née au Liban en 1937) – dans Terres stagnantes Editions Seghers 1968

Partager cet article
Repost0
24 mars 2024 7 24 /03 /mars /2024 07:16

Pendant des années

tu n’as connu que l’ennui

l’exil la détresse

 

Maintenant

ces longues périodes

où tout t’émeut

t’émerveille

vient aviver

une joie secrète

          *

Les eaux rares de la source

Quand elles ruissellent

Te tiennent immergé

           *

Cette paisible force jubilante

quand fusionnent les contraires

 

Que tout converge et s’accorde

pour exalter la vie

 

Charles Juliet (né en 1934 dans l’Ain)  dans Bribes pour un double Editions Arfuyen 1984

Partager cet article
Repost0
23 mars 2024 6 23 /03 /mars /2024 07:04

Atifé

Mère : décédée

Père : Safar Ali

Age : 16 ans

Pays : Iran

Profession : la mort ne m’a pas laissée travailler

 

Est-ce un crime

si mes pieds sont joyeux de toucher l’essence de la Terre

quand je danse ?

Est-ce un crime

si je découvre mes épaules

et laisse flotter mes cheveux ?

Est-ce un crime

de mettre du rouge à lèvres

et de dire que j’ai une bouche ?

Est-ce un crime

si je suis une fille

comme toutes les autres filles du monde ?

Si j’ai un corps

si je dors

si je chante

si je danse

si je peins

si j’écris

si j’ai des désirs

si j’aime ?

Est-ce un crime de vivre dans un pays

où on pend par le cou

la liberté ?

 

Maram al-Masri (née en Syrie en 1962)  dans Les âmes aux pieds nus éd. Bruno Doucey 2023

Partager cet article
Repost0
22 mars 2024 5 22 /03 /mars /2024 06:56

Toi je t’aime

 

Toi je t’aime comme je mange le pain avec du sel

comme me réveillant dans la nuit brûlant de fièvre

      pour boire de l’eau j’appuie ma bouche au robinet

comme j’ouvre agité, joyeux, inquiet

     le lourd colis postal on ne sait quoi

toi je t’aime comme si pour la première fois

                         je traversais la mer en avion

comme certaines choses qui frémissent en moi

quand doucement la nuit tombe sur Istanbul

toi je t’aime comme on dit « grâce au ciel, nous vivons … »

 

27 août 1960

Nâzim Hikmet (1901- 1963) dans  C’est un dur métier que l’exil … Le temps des cerises 1999

Partager cet article
Repost0
21 mars 2024 4 21 /03 /mars /2024 06:29

Elle dansait sur la place

 

Elle dansait sur la place au son d’un transistor

Distillant sans répit un rap tonitruant ;

Elle dansait… ses pieds nus caressaient le goudron

Comme frôle le sable, la gazelle africaine.

Elle retrouvait d’instinct les gestes des ancêtres,

À l’autre bout de l’eau, à l’autre bout du temps

Et le rap syncopé, et ses mots insipides

Devenaient tout à coup paroles de griot.

Elle dansait sur la place, le monde se taisait,

Suspendu à son corps ondulant sans entraves ;

Le strass de son piercing se prenait pour l’étoile

D’une Shéhérazade à sa millième nuit.

De sa danse sourdaient des parfums d’orangers,

Des rêves bigarrés et des désirs d’ailleurs,

Et l’on ne savait plus, vraiment, où l’on était,

Une place française ? un marché de là-bas ?

Petite fille sombre, la grâce de ton pas,

Ton rire généreux et l’envol de tes nattes

Nous offraient ce grand Sud que nous ne saurons pas

Que toi-même, sans doute, ne connaîtras jamais…

Longtemps je garderai, comme un trésor intime,

La magie de l’instant, le cadeau très secret

Que me fit, ce jour-là, la fille de l’exil,

Ce farfadet de nuit qui dansait sur la place.

 

Anick Baulard

Partager cet article
Repost0
20 mars 2024 3 20 /03 /mars /2024 06:49

Je me rappelle instant de grâce

 

 Je me rappelle — instant de grâce :

Quand tu parus à mes côtés,

Je fus saisi, — vision fugace

Du pur génie de la beauté.

Dans la langueur désespérante,

Dans le fracas des vanités,

Longtemps vibra ta voix pressante,

Longtemps, tes traits m’ont habité.

Les ans passèrent. Dans l’orage

Mes rêves furent emportés,

Et j’ai perdu ta douce image,

Ta voix pressante m’a quitté.

Claustrés au fond d’un lourd silence,

Paisiblement passaient mes jours,

Sans poésie, sans transcendance,

Sans vie, sans larmes, sans amour.

Mais l’âme a retrouvé la grâce,

Tu reparais à mes côtés,

Divinité, vision fugace

Du pur génie de la beauté.

Et, de nouveau, la renaissance,

Et la lumière est de retour —

La poésie, la transcendance,

La vie, les larmes et l’amour.

 

Alexandre Pouchkine (1799-1837) Traduit par André Markowicz

dans Le soleil d’Alexandre - Le Cercle de Pouchkine  - Actes sud

Partager cet article
Repost0
19 mars 2024 2 19 /03 /mars /2024 06:41

Solo (extrait)

 

Seigneur Dieu

à mes frères et amis

aux femmes que j’ai aimées

à tous ceux que mon cœur a croisés

avant que d’entrer dans les ténèbres

transmettez je Vous prie

 mon espérance testamentaire

nul chant nul solo

nulle symphonie nul concerto

qui porte nostalgie d’amour

et soif et faim de tendresse

ne sera perdu dans la détresse de la mer

voilà et puis encore ceci

par la dernière larme

par l’ultime halètement

par le dernier frémissement

par le moineau qui s’envole

par le geai sur la branche

par la dernière chanson

par la joie dans la grange

par le vent qui se lève

par le matin qui vient

tout simplement

je Vous rends grâce

d’avoir été dans le bondissement

incroyable

de Votre création

un pauvre hère mortel divin

et misérable

oui

tout simplement

un être humain

parmi les milliards

et les milliards de Vos créatures

à présent que les feuilles

et les mains

de douce nature

me closent les yeux !

Mais Seigneur Dieu

comme la  vie était jolie

en ma Bretagne bleue.

 

Xavier Grall (né le 22 juin 1930 à Landivisiau, et décédé à Quimperlé le 11 décembre 1981)

Partager cet article
Repost0
18 mars 2024 1 18 /03 /mars /2024 06:58

La voyageuse

 

 Si l’on parle de moi,

Je me cacherai sous les violettes

Et deviendrai

Le scarabée d’or.

Si l’on me touche

Je serai la musique qui tourne

Au-dessus de vos saisons de Mai.

Si l’on m’aborde,

Je serai le feu.

 

Claude de Burine (née le 19 septembre 1931 à Saint-Léger-des-Vignes dans la Nièvre et décédée le 24 juillet 2005 à Louveciennes), ed. La ville brûle, 2022 - in Je serai le feu

Partager cet article
Repost0
17 mars 2024 7 17 /03 /mars /2024 06:23

Jeune fille, la grâce emplit tes dix-sept ans

 

Jeune fille, la grâce emplit tes dix-sept ans.

Ton regard dit : « Matin, » et ton front dit : « Printemps. »

Il semble que ta main porte un lys invisible.

Don Juan te voit passer et murmure : « Impossible ! »

Sois belle. Sois bénie, enfant, dans ta beauté.

La nature s'égaie à toute ta clarté ;

Tu fais une lueur sous les arbres ; la guêpe

Touche ta joue en fleur de son aile de crêpe ;

La mouche à tes yeux vole ainsi qu'à des flambeaux.

Ton souffle est un encens qui monte au ciel. Lesbos

Et les marins d'Hydra, s'ils te voyaient sans voiles,

Te prendraient pour l'Aurore aux cheveux pleins d'étoiles.

Les êtres de l'azur froncent leur pur sourcil

Quand l'homme, spectre obscur du mal et de l'exil,

Ose approcher ton âme, aux rayons fiancée.

Sois belle. Tu te sens par l'ombre caressée,

Un ange vient baiser ton pied quand il est nu,

Et c'est ce qui te fait ton sourire ingénu.

 

Victor Hugo (né le 26 février 1802 à Besançon, décédé le 22 mai 1885 à Paris) - 

Les contemplations

Partager cet article
Repost0

Bienvenue !

logo-vertical--copie-1

Librairie associative

435 rue de Beauvais

60710 Chevrières

 

littérature, nouvelles,

théâtre, poésie etc.

03 44 41 10 89 ou 06 87 44 52 44

graines.de.mots.60@gmail.com

 

Horaires d'ouverture :

Mercredi, Vendredi : 10h à 12h - 15h à 18h

Samedi : 10h à 12h

Sur RV lundi, mardi matin, jeudi.

à l'agenda 2024

en italiques, les évènements organisés par Graines de Mots

  • 25 avril - Table de livres lors de la présentation du dernier film de Marie-Monique Robin à La Croix St Ouen - à partir de 19h
  • 27 et 28 avril - Tables de livres de contes lors du "Festival des contes"  - salle Rostropovitch à Beauvais - l'après-midi
  • 25 mai - Table de livres lors de la Fête de la Paix à Montataire
  • 6 au 9 juillet - Table de livres lors du  "Congrès de la FSU École émancipée" à Airion